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A mon seul désir

Entretien avecLouise Chevillotte, actrice

Qu’a provoqué en vous la lecture du scénario d’à mon seul désir ?

Jamais un scénario ne m’a intriguée à ce point. J’ai mis du temps à entrer dans cette histoire, car j’avais le sentiment que s’y nichait quelque chose de caché et de mystérieux. Plus je la reprenais, plus j’y plongeais profondément et plus j’étais captivée. Il m’a fallu l’effeuiller, tourner autour de son secret. Jusqu’à ce que tout m’apparaisse fluide et organique. Ce corps-à-corps avec ce texte fut une étape passionnante.

J’ai aussi mis du temps à apprécier Mia. J’ai commencé par la juger égoïste. Étant moi-même comédienne, j’étais impitoyable avec son côté actrice dépendante du regard des autres. Cet aspect du personnage me travaillait. Je suis donc allée explorer cette zone avec Lucie : que signifie pour une actrice susciter le désir et comment l’assumer sont des questions autour desquelles nous avons tourné. Le rapport à la nudité aussi n’était pas évident pour moi. Le fait que Mia s’offre au regard des autres m’interrogeait. Je me suis demandé si j’en étais capable. À force de penser tous ces questionnements, il m’a semblé évident qu’il me fallait plonger dans ce projet.

Connaissiez-vous le travail de Lucie Borleteau ?

Oui, j’avais adoré Fidelio, l’odyssée d’Alice ! La manière dont Lucie parlait du plaisir, de cette femme tiraillée entre deux amours. J’ai aimé le jeu d’Ariane Labed, la façon qu’a Lucie de filmer le travail, les lumières, les costumes, la musique… Je trouve ce film saisissant. J’avais donc très envie de travailler avec elle. Nous nous sommes rencontrées sur le casting de Chanson douce. Ça ne s’est pas fait entre nous à ce moment-là, mais elle m’a dit qu’elle pensait à moi pour un autre film. Et ce fut celui-là. 

Comment êtes-vous passée outre vos craintes relatives à la nudité pour jouer Mia ? 

Nous en avons beaucoup discuté avec Lucie. Nous avons beaucoup parlé des axes de la caméra, de ce que je souhaitais montrer ou non. Lucie a su me rassurer, m’accompagner dans ce déshabillage. Et quand je vois le film, je n’ai pas l’impression d’être nue, hormis dans la scène de la clairière. Lucie aborde la nudité avec beaucoup de joie. Elle a une légèreté, une générosité, une gourmandise qui mettent en confiance. Parce que c’est elle, j’ai pu apprivoiser mes peurs et j’ai eu l’envie de la suivre. Elle laisse aussi la place à notre imaginaire pour venir nourrir l’histoire et ça, c’est très plaisant. 

Justement, comment avez-vous nourri votre imaginaire pour ce film ? 

Je faisais feu de tout bois ! Grâce à la mise en scène de Lucie, on descend peu à peu dans l’histoire en profondeur. Chaque scène est comme une pièce qu’on explore dans les moindres recoins. Lucie nous avait envoyé une liste de films à regarder, autour du désir, de l’amour, de la danse, de la nudité, parmi lesquels Esther Kahn d’Arnaud Desplechin et Showgirls de Paul Verhoeven, qui m’ont beaucoup marquée. J’aime aussi beaucoup les livres de la philosophe Anne Dufourmantelle, qui me sont très précieux pour mon travail d’actrice, car ils sont mystérieux et ne livrent pas leur sens tout de suite. Je voyais un lien entre son écriture et ce film. Ils ont été pour moi une source d’inspiration, que je me suis fait une joie de partager avec Lucie. 

Nous avons également fait beaucoup de lectures à plusieurs et nous avons fait un stage de strip-tease avec des comédiennes et des danseuses. Nous nous sommes jetées à l’eau ! Des strip-teaseuses nous ont montré comment nous y prendre. Nous avons fait des impros, des duos. Je suis assez pudique, donc je ne me suis pas déshabillée tout de suite. Puis, grâce au regard bienveillant de cette troupe de femmes, j’ai pris confiance progressivement et me suis essayée à l’exercice du strip.

On retrouve cet esprit de sororité dans les scènes où les femmes sont réunies. 

Je trouve ces scènes entre femmes dans les loges très joyeuses. On y sent beaucoup d’énergie et de vitalité, et cela est aussi dû au travail que nous avons fait ensemble lors de ce stage. Nous nous sommes apprivoisées. Nous étions dans une grande confiance et bienveillance les unes envers les autres. Toutes les femmes sont différentes dans ce film et je trouve ce groupe très moderne. 

Avez-vous été visiter des clubs de strip-tease ? 

Oui, dans le sixième arrondissement de Paris. J’ai découvert un univers très joyeux, où on ne boit pas d’alcool et où les femmes ne sont jamais contraintes. C’était formidable, car j’ai pu ainsi tordre le cou à l’idée que je m’en faisais. Les numéros de strip y sont très sexy ; quand ils sont finis, les danseuses repartent comme si de rien n’était. Dans le club que nous avons visité, il n’y a rien de glauque. Au contraire, j’y ai vu quelque chose de ludique. C’était une clé pour comprendre le film et pour me tranquilliser. 

Dans quelle mesure les costumes d’Alexia Crisp-Jones vous ont-ils aidée à composer le personnage de Mia ? 

J’ai adoré les essayages de costumes. Nous avons essayé plusieurs tenues très belles, puis nous nous sommes dit que Mia était une jeune femme qui désirait devenir actrice, mais qui n’avait pas d’occasion de jouer en dehors du club. Et l’idée nous est venue d’imaginer que Mia porterait des tenues inspirées de personnages de fiction qu’elle aime. Ce sont de petites touches discrètes, que personne ne peut vraiment identifier, mais qui, moi, me permettaient de jouer. Mia joue dans sa vie, elle a de l’énergie, elle virevolte. C’était très amusant à travailler sur le plan vestimentaire, car c’est comme si elle portait des costumes au quotidien et promenait son désir de fiction partout où elle va. 

Comment avez-vous travaillé vos chorégraphies ? 

Nous avons répété certains numéros, que je soumettais au regard des strip-teaseuses qui jouaient dans le film. Nous étions assez libres et nous nous coachions les unes les autres. J’ai travaillé aussi mon numéro de pole dans le métro, après avoir pris des cours de pole dance avec une prof. J’ai fait beaucoup de danse depuis que je suis enfant et j’adore danser dans les films. Plus il y en a, plus je m’amuse ! 

Vous avez été formée au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris. C’est le rêve de Mia. Aviez-vous de l’empathie pour elle, vous qui avez vécu l’expérience intense du concours ? 

Je crois que la scène de l’audition a été la plus difficile à tourner pour moi. En plus, nous étions dans la salle Louis Jouvet, qui est la dernière salle dans laquelle j’ai joué mon spectacle de sortie quand j’étais élève au Conservatoire, et celle dans laquelle j’avais passé mon deuxième tour avec la sensation d’avoir échoué. Je me sentais très fébrile, très émue, je pleurais entre les prises, mais je savais que c’était bien aussi pour la scène. Dans cette scène, Mia est peu maquillée et porte une modeste robe bleue. Je ne voulais pas que ce soit la même Mia qu’au club. C’était donc à la fois troublant et génial de rejouer cette situation. 

Quelle directrice d’actrices et d’acteurs est Lucie Borleteau ? 

Lucie écoute beaucoup ses interprètes. Elle nous aime et on le sent quand elle nous filme. Elle est vraiment avec nous  ; elle est confiante, exigeante, nous valorise et prend un immense plaisir à mettre en scène. Elle est aussi extrêmement cinéphile. Elle sait créer les conditions pour nous permettre de nous laisser aller. Je trouve que le film lui ressemble beaucoup : il y a, à son image, énormément de joie, d’humour, de fantaisie et de vitalité dans à mon seul désir ! 

Comment avez-vous travaillé avec Louise Chevillotte ? 

C’était très intéressant, car nous sommes assez différentes. Nous nous sommes apprivoisées. Je trouve que nous nous complétons bien. Nous avons besoin toutes les deux d’analyser les choses, de les comprendre, mais sur le plateau, nous cherchons différemment. J’ai l’impression que je suis plus impulsive que Louise, qui décortique, puis se jette physiquement dans les scènes. Comme elle a été habituée à la méthode de travail de Philippe Garrel, elle aime faire peu de prises, contrairement à moi, qui ai besoin de les multiplier. Mais j’avais toujours l’impression que nous nous rejoignions à un moment et que nous nous accordions l’une l’autre. 

Le stage préparatoire nous a beaucoup aidées à nous abandonner. C’est un film qui nous a demandé du courage. Il contient plusieurs scènes d’intimité et ce n’est pas rien d’accepter de se laisser toucher. 

Ce film vous a-t-il rendue plus libre en tant qu’actrice ? 

J’ai adoré jouer Mia. C’est un des personnages que j’ai préféré interpréter. Il m’a ouvert l’esprit. Il est très loin de moi par plusieurs aspects. J’admire par exemple sa faculté à prendre la parole en public. Mia a 26 ans et j’en ai 32. Elle a l’âge de mes petites cousines, qui ont plus d’ouverture d’esprit que moi. Mia, par exemple, est sincère dans ses deux amours, et au début, j’avais du mal à la comprendre. De ce point de vue, je trouve ce film jeune et moderne.

(Dossier de presse) 

A mon seul désir

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