"Ce chef-d’œuvre de Satyajit Ray est une fascinante méditation sur la fin d’un monde et les désillusions, révélatrice de l’art d’un maître du cinéma mondial." - Avoir Alire
Satyajit Ray
Satyajit Ray et Santi P. Choudhury
1h40
Jalsaghar
Inde
18 février 1981
Les Acacias Distribution
Chhabi Biswas → Huzur Biswambhar Roy
Gangapada Basu → Mahim Ganguly
Padmadevi → Mahamaya
Kali Sarkar → Serveur de Roy
Tulsi Lahiri → Manager
Pinaki Sengupta → Khoka
Sardar Akhtar → chanteur
Roshan Kumari → Krishna Bai, danseur
Waheed Khan → Ustad Ujir Khan
Bismillah Khan → Musicien
Salamat Ali Khan → Chanteur Khyal
L'inachèvement de la trilogie d'Apu, qui bute sur cet énigmatique gros plan aux deux visages (Apu adulte et son enfant sur ses épaules), désignant prémonitoirement les deux temps de la vie à jamais non réconciliés au sein du même (l'homme), est ce qui programme souterrainement l'œuvre de Ray jusqu'à nos jours. Rites de passage, méticuleusement observés, soit vers l'âge adulte (le monde du travail dans L'intermédiaire), soit sur le mode régressif (le retour à la nature enfantin et tragique dans Des jours et des nuits dans la forêt), à l'intérieur duquel le sujet oscille entre tentation égotiste (le roman autobiographique d'Apu) et altruisme (Un Ennemi du peuple). La rencontre de l'altruisme et de l'art étant l'achèvement du cinéma de Ray, par opposition à ce qui fait défaut à ses personnages et en constitue le drame intérieur...
« Mais avez-vous été à Nimtita ? Avez-vous vu le palais ? » demanda le vieillard de la maison de thé au toit de chaume. Nous étions au village de Lalgola, à deux cent cinquante kilomètres environ de Calcutta, et venions de voir notre trentième palais et décider qu'il ne nous convenait pas.
« Nimtita ? Qu'est-ce que c'est ? » demandâmes-nous sans trop d'enthousiasme. Nous n'avions jamais entendu prononcer ce nom. « C'est un palais qui se trouve à une centaine de kilomètres au nord d'ici. Vous suivez la route. Vous arrivez à un fleuve que vous traversez sur un bac. Puis vous suivez de nouveau la route sur quarante kilomètres environ. Là il y a un panonceau. Le palais se trouve sur la rive est du fleuve Padma. C'est le palais de Choudhury. A l'ouest, c’est le Pakistan. Je vous ai écouté parler et je trouve que vous devriez y aller avant de renoncer. »
Quatrième long métrage de Satyajit Ray (alors âgé de trente-sept ans). Changement spectaculaire de ton par rapport au lyrisme cosmique et biographique de ses deux premiers films (les deux premiers volets de sa trilogie d’Apu), et à la satire de La Pierre philosophale. Avec ce film, Ray démontre son très grand éclectisme formel à l’intérieur d’une œuvre dont l’unité et la cohérence sont par ailleurs indiscutables. A la fois somptueux et extrêmement austère, Le Salon de musique fait le portrait complexe et ambigu d’un passionné de la musique qui trouve dans cette passion le moyen d’assouvir son immense orgueil et de s’adonner à un narcissisme inné : narcissisme de caste et de classe. Sa passion, telle qu’il la conçoit, est essentiellement auto-destructrice car elle le prive de toute énergie, de tout lien avec le monde extérieur et – défaut sans doute rédhibitoire aux yeux de S. Ray – de toute humilité. Cela étant, le personnage inspire à l’auteur et au spectateur une compassion et une sorte de respect quasi fraternels, qui donnent à l’œuvre une vibration unique. Le noir et blanc utilisé avec un luxe raffiné et discret, comme on ne le verra sans doute jamais plus, les lents mouvements d’appareil qui nous font pénétrer dans l’âme du personnage comme dans une ville dévastée et fascinante, la composition de l’acteur Chhabi Biswas montrent en Satyajit Ray un artiste au sommet de son art. Les séquences finales (le dernier concert, la nuit d’ivresse du héros et sa chute de cheval) sont parmi les plus parfaites qu’il ait tournées.
Jacques Lourcelles – Dictionnaire du cinéma – Editions Robert Laffont - Bouquins - 1992
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