Le salon de musique

"Ce chef-d’œuvre de Satyajit Ray est une fascinante méditation sur la fin d’un monde et les désillusions, révélatrice de l’art d’un maître du cinéma mondial." - Avoir Alire


Un lustre illuminé au fond de l’obscurité s’avance doucement vers l’écran sur un son diffus de sitar. C’est la première image du film, inquiétante et mystérieuse, mais aussi la dernière. Entre les deux, Le salon de musique, quatrième long-métrage du réalisateur bengali Satyajit Ray adapté d’un roman de Tarashankar Bandopadhyay, se déroule sans discorder avec le ton donné par cette entrée en matière. Quand l’image resurgit pour clôturer le film, elle demeure mystérieuse mais, chargée de la tension de ce récit étrange et fascinant, elle a acquis un sens. 
"Le cinéma de Satyajit Ray fonctionne ainsi, oscillant entre des histoires très concrètes, profondément ancrées dans une réalité sociale, culturelle et historique, et l’abstraction des motifs symboliques qui confèrent à ses films une dimension métaphysique et poétique aussi soudaine qu'inattendue. Ceci rend envoûtante et touchante, bien au-delà de la tragédie, la longue et lente déchéance de Huzur Biswambhar Roy, aristocrate zamindar du début du XXe siècle, passionné – c’est le moins qu’on puisse dire – de musique traditionnelle indienne. Son palais, autrefois somptueux, tombe en ruine mais le salon spécialement dédié aux récitals est toujours éclatant et impeccablement entretenu. Roy ne fait pas grand-chose de ses journées. Posé à la terrasse de son palais vétuste, fumant son narguilé et buvant du sirop concocté par son serviteur, il contemple le triste spectacle de sa décrépitude. Seule la musique anime quelque chose en lui. Elle seule peut lui permettre d’agir avec noblesse, comme quelqu’un qui tient ses positions, qui ne cède rien sur ses principes, qui vit par et pour eux, quitte à ce qu’ils le mènent à sa perte. En somme, la seule façon décente de vivre. La seule façon digne de mourir." d'après Critikat

Ciné-Club de François Bouvier jeudi 16 mars à 20h15 au Caméo Commanderie

Bande-annonce

Générique

  • Réalisateur

    Satyajit Ray

  • Scénaristes

    Satyajit Ray et Santi P. Choudhury

  • Durée

    1h40

  • Titre original

    Jalsaghar

  • Pays

    Inde

  • Date de sortie

    18 février 1981

  • Distributeur

    Les Acacias Distribution


Acteurs et actrices

  • Chhabi Biswas → Huzur Biswambhar Roy

    Gangapada Basu  → Mahim Ganguly

    Padmadevi → Mahamaya

    Kali Sarkar  → Serveur de Roy

    Tulsi Lahiri → Manager

    Pinaki Sengupta  → Khoka

    Sardar Akhtar  → chanteur

    Roshan Kumari  → Krishna Bai, danseur

    Waheed Khan  → Ustad Ujir Khan

    Bismillah Khan → Musicien

    Salamat Ali Khan  → Chanteur Khyal


Filmographie

Pour aller plus loin

Le salon de musique, du spectateur au cinéaste

L'inachèvement de la trilogie d'Apu, qui bute sur cet énigmatique gros plan aux deux visages (Apu adulte et son enfant sur ses épaules), désignant prémonitoirement les deux temps de la vie à jamais non réconciliés au sein du même (l'homme), est ce qui programme souterrainement l'œuvre de Ray jusqu'à nos jours. Rites de passage, méticuleusement observés, soit vers l'âge adulte (le monde du travail dans L'intermédiaire), soit sur le mode régressif (le retour à la nature enfantin et tragique dans Des jours et des nuits dans la forêt), à l'intérieur duquel le sujet oscille entre tentation égotiste (le roman autobiographique d'Apu) et altruisme (Un Ennemi du peuple). La rencontre de l'altruisme et de l'art étant l'achèvement du cinéma de Ray, par opposition à ce qui fait défaut à ses personnages et en constitue le drame intérieur...

Comment on arrive à un Salon de musique

texte de Satyajit Ray

« Mais avez-vous été à Nimtita ? Avez-vous vu le palais ? » demanda le vieillard de la maison de thé au toit de chaume. Nous étions au village de Lalgola, à deux cent cinquante kilomètres environ de Calcutta, et venions de voir notre trentième palais et décider qu'il ne nous convenait pas.

« Nimtita ? Qu'est-ce que c'est ? » demandâmes-nous sans trop d'enthousiasme. Nous n'avions jamais entendu prononcer ce nom. « C'est un palais qui se trouve à une centaine de kilomètres au nord d'ici. Vous suivez la route. Vous arrivez à un fleuve que vous traversez sur un bac. Puis vous suivez de nouveau la route sur quarante kilomètres environ. Là il y a un panonceau. Le palais se trouve sur la rive est du fleuve Padma. C'est le palais de Choudhury. A l'ouest, c’est le Pakistan. Je vous ai écouté parler et je trouve que vous devriez y aller avant de renoncer. »

Le salon de musique

par Jacques Lourcelles

Quatrième long métrage de Satyajit Ray (alors âgé de trente-sept ans). Changement spectaculaire de ton par rapport au lyrisme cosmique et biographique de ses deux premiers films (les deux premiers volets de sa trilogie d’Apu), et à la satire de La Pierre philosophale. Avec ce film, Ray démontre son très grand éclectisme formel à l’intérieur d’une œuvre dont l’unité et la cohérence sont par ailleurs indiscutables. A la fois somptueux et extrêmement austère, Le Salon de musique fait le portrait complexe et ambigu d’un passionné de la musique qui trouve dans cette passion le moyen d’assouvir son immense orgueil et de s’adonner à un narcissisme inné : narcissisme de caste et de classe. Sa passion, telle qu’il la conçoit, est essentiellement auto-destructrice car elle le prive de toute énergie, de tout lien avec le monde extérieur et – défaut sans doute rédhibitoire aux yeux de S. Ray – de toute humilité. Cela étant, le personnage inspire à l’auteur et au spectateur une compassion et une sorte de respect quasi fraternels, qui donnent à l’œuvre une vibration unique. Le noir et blanc utilisé avec un luxe raffiné et discret, comme on ne le verra sans doute jamais plus, les lents mouvements d’appareil qui nous font pénétrer dans l’âme du personnage comme dans une ville dévastée et fascinante, la composition de l’acteur Chhabi Biswas montrent en Satyajit Ray un artiste au sommet de son art. Les séquences finales (le dernier concert, la nuit d’ivresse du héros et sa chute de cheval) sont parmi les plus parfaites qu’il ait tournées. 

Jacques Lourcelles – Dictionnaire du cinéma – Editions Robert Laffont - Bouquins - 1992

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